Christophe Malavoy
joue "Gary/Ajar" au théâtre du Petit Montparnasse
Dans l’écrin du Petit
Montparnasse, Christophe Malavoy a installé un
fauteuil de cuir confortable dont l’orientation,
face au public, pourra se retourner jusqu’au mur de
scène, en fonction de la rétro-projection du plus
bel effet d’extraits de lettres ou textes de Romain
Gary, par laquelle le spectateur pourra suivre
l’écriture en train de se former dans la
transparence du volume visuel.
Ainsi, l’acteur se met en scène
lui-même dans un dédale de lumières où celui-ci peut
apparaître tel son propre démiurge, à l’instar du
célèbre écrivain dont la préoccupation était de
renaître sans cesse sous de nouvelles destinées.
Sous les multiples facettes d’un
prisme composé pour célébrer l’art dans sa
diversification, cette mise en espace sophistiquée
place le comédien en observateur attentif des
métamorphoses qui se jouent entre le personnage
incarné et son double.
Ainsi, Romain Gary et son clone
Emile Ajar vont-ils se confronter dans une
schizophrénie littéraire, dont les perspectives
créatrices apparaissent tout à la fois, infinies et
redoutables. D’ailleurs elles finiront par avoir
raison de l’auteur qui mit un terme vital aux affres
de cette course effrénée, à 66 ans.
D’un prix Goncourt à l’autre, de
celui de 1956 au second en 1975, des Racines du
ciel à La Vie devant soi, de Romain
Gary à Emile Ajar, l’homme aura donc appris à se
dédoubler, à vivre deux destins concomitants avec, à
la clé, ce terrible secret qui le fit jubiler autant
que l’angoisser.
Il en viendra d’ailleurs à
regretter de n’avoir pas osé mettre un terme à
l’imposture, le jour même où lui fut décerné le
second prix Goncourt ; ce qui lui aurait ainsi
permis de triompher sur toute la distance en faisant
un pied de nez historique à tous les jurys
littéraires.
Mais puisque ce remords de vanité
poussée aux extrêmes a pu, en outre, se cumuler avec
d’autres déceptions encore plus insurmontables,
telles ses trois compagnes adorées, mais emportées
successivement, parmi lesquelles l’actrice Jean
Seberg, le désespoir semblait avoir épuisé toute la
palette des affects qu’il lui fut possible de
sublimer dans la création littéraire.
C’est donc ainsi qu’André Asséo a
voulu rendre hommage à son ami en imaginant les
dispositions d’esprit avec lequel Romain Gary
composa son livre posthume Vie et mort d’Emile
Ajar.
Affiche photo © Marianne Rosensthiel
GARY / AJAR - ** Theothea.com - de André Asséo -
mise en scène : Christophe Malavoy - avec Christophe
Malavoy - Théâtre du Petit Montparnasse - |
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Gary / Ajar
Théâtre critiques
à partir du 28/11/2007
La critique de Pariscope
Christophe Malavoy campe
Romain Gary dans «Gary/Ajar», un texte d'André Asséo
qu'il a lui-même adapté. Romain Gary, homme
fascinant, a su créer sa propre légende, multiplier
les masques, utiliser de nombreux pseudonymes et
réinventer une réalité-fiction. C'est cet homme, et
son double, qu'incarne Christophe Malavoy, racontant
sa jeunesse marquée par une mère adorée qui le
voyait déjà ambassadeur entouré des plus jolies
femmes. Homme à femmes, il en aima beaucoup, mais
trois ont compté dans sa vie. Ilona son amour de
jeunesse, Lesley Blanch, Anglaise et écrivain qu'il
épousa, et Jean Seberg dont il tombe amoureux
lorsqu'il était Consul à Los Angeles. Gary inventa
aussi Emile Ajar, écrivain fictif personnifié par
son petit cousin Paul Pavlowitch. Avec «La vie
devant soi» signé Ajar, il obtint une seconde fois
le prix Goncourt. Après cette ultime mystification,
Romain Gary se suicida en 1980, laissant un court
billet, «Je me suis bien amusé, au revoir et merci».
Christophe Malavoy signe la mise en scène de la
pièce, s'aidant de lumières habilement travaillées,
de miroirs, de projections de photos superbes, et de
belles pages d'écriture. Seul en scène le comédien a
trouvé, le rythme, le ton et l'intelligence pour
nous restituer la vie d'un homme hors du commun,
écrivain caméléon, provocateur et séducteur aux
mille visages.
Arlette Frazier
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